Jean-Philippe Toussaint est écrivain, cinéaste et photographe. Ses livres sont publiés aux Editions de Minuit. Il a obtenu le prix Médicis en 2005 pour Fuir et le Prix Décembre en 2009 pour La Vérité sur Marie. Ses romans sont traduits en plus de vingt langues. Il a réalisé quatre longs métrages pour le cinéma et a présenté des expositions de photos dans le monde entier. En 2012, il a présenté au Musée du Louvre à Paris l’exposition LIVRE/LOUVRE.
Quand j’entreprends la lecture de l’Échiquier j’ai en tête le tableau de Paul Klee, pas l’un des séries des polyphoniques qui présentent des agencements ordonnés de couleurs mais celui en noir, blanc et gris qui donne dans le rhythmique. Un échiquier aux délimitations mouvantes où sont introduites syncopes et variations telle une partition visuelle.
C’est en virtuose que Jean Philippe Toussaint se déplace sur les cases de l’échiquier, plus exactement sur les 64 cases comme les 64 chapitres du livre, il se réfère d’ailleurs à la technique de la polygraphie du Cavalier, déjà utilisée par Georges Perec, qui consiste à parcourir le plateau d’échecs sans jamais s’arrêter deux fois sur la même case. Livre sur la mémoire et toujours à la frontière entre l’autobiographie et l’autofiction, Jean Philippe Toussaint parle en effet de lui, de son enfance, plus généralement de sa vie, de sa relation avec les échecs. Il déroule le fil par scènes et joue avec l’espace-temps en digressant les codes.
Mais le coup de maître de Jean-Philippe Toussaint c’est de s’autoriser les variations les plus déroutantes car plus qu’une autobiographie, ce texte est un travail sur l’écriture, une réflexion sur la littérature où tout est minutieusement maitrisé.
« Le livre que je suis en train d’écrire est un livre d’origine. C’est l’histoire d’une vocation non pas comment je suis devenu joueur d’échecs – non, je ne suis pas devenu joueur d’échecs, mais comment je suis devenu écrivain. » p.196.
Jean-Philippe Toussaint, comment avez-vous su que le moment était venu d’écrire votre autobiographie ?
Je l’ai en découvert en écrivant le livre. Je me suis souvent interrogé sur ce qui, dans un livre, relève du hasard et ce qui appartient à la nécessité. Il n’est pas impossible que la crise du Covid-19 de l’année 2020 soit l’élément fortuit qui est venu féconder la nécessité plus vaste qu’il y a toujours pour un écrivain d’aborder un jour l’autobiographie. Mais mon intention n’a jamais été consciemment d’écrire une autobiographie. Je me demande même jusqu’à quel point je pourrais écrire une autobiographie. Que serait-elle, cette autobiographie, si je devais l’écrire ? C’est à cette question, qui traverse tout le livre, que s’attache à répondre L’Échiquier.
Quel est votre rapport au temps ?
Alors que, pendant la crise sanitaire, tout le monde parlait du monde « d’après », c’est le monde « d’avant » qui a surgi dans mes pensées. Le confinement m’a incité à me tourner vers mon passé : mon enfance, mon adolescence, et ce fil d’Ariane du jeu d’échecs.
À la lecture, on sent combien le texte est travaillé, votre niveau d’exigence, est-ce pour cela que vous avez voulu l’écrire comme une partie d’échecs, jeu de réflexion par excellence ?
Le livre est à la fois extrêmement travaillé (je l’ai travaillé et retravaillé pendant deux ans après avoir achevé le premier jet) et, en même temps, il résulte de cette très grande liberté que m’a procuré le fait de l’écrire au jour le jour pendant le confinement, sans quasiment me relire dans les premiers temps. Il y a ce double mouvement, de l’urgence et de la patience, que j’avais déjà identifié dans L’Urgence et la Patience. L’urgence, qui appelle l’impulsion, la fougue, la vitesse — et la patience, qui requiert la lenteur, la constance et l’effort.
L’échiquier est également un livre sur la littérature et l’écriture, quels ont été vos livres inspirants ?
La liste est longue. A la recherche du temps perdu, comme toujours, de Proust, pour la façon d’aborder le passé et la mémoire, De si braves garçons de Modiano pour la partie au pensionnat de Maisons-Laffitte, Les Années d’Annie Ernaux, Les faits de Philip Roth, et les livres de Perec, pour l’aspect conceptuel et la réflexion d’ensemble sur la littérature.
Les dates de rencontres à venir de Jean-Philippe Toussaint :
Jeudi 5 octobre : Librairie Tropismes, Bruxelles
Mardi 10 octobre : Librairie Passages, Lyon
Mercredi 11 octobre : Librairie Le Square, Grenoble
Jeudi 12 octobre : Librairie L’Oiseau Siffleur, Valence
Mardi 17 octobre : Théâtre de Bastia
Vendredi 20 octobre : Librairie L’Esperluète, Chartres
Mardi 24 octobre : Librairie Mollat, Bordeaux
Mercredi 25 octobre : Librairie Ombres Blanches, Toulouse
Vendredi 27 octobre : Le Parvis, Pau
Mardi 14 novembre : Librairie Les temps Modernes, Orléans
Mercredi 15 novembre : Librairie Les Champs Magnétiques, Paris 12e Jeudi 16 novembre : La Librairie, Clermont Ferrand
Mercredi 13 décembre : Soirée littéraire en collaboration avec l’institut français et l’université de Sarrebruck
Jeudi 14 décembre : Librairie La Bicyclette bleue, Paris 20e
L’Échiquier, Jean-Philippe Toussaint, 256 pages, 20 euros
Les Éditions de Minuit http/www.leseditionsdeminuit.fr
Copyright photographie Mathieu Zazzo
Sophie Carmona
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