TRAFIC

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Natif de Blois, Galien Sarde a 48 ans et est agrégé de lettres modernes, il est enseignant. Après Échec, et Mat, premier roman remarqué, il signe Trafic également publié par les éditions Fables fertiles.

Trafic est un savant mélange de roman noir et de polar, on distingue le goût de l’auteur pour une littérature qui mêle sans complexe l’intertextualité du suspense criminel.
Il n’hésite pas à jouer sur deux temporalités : Vincent et Manon immobilisés par un accident dans leur voiture et l’intrigue subtilement menée par des informations proleptiques. L’histoire n’est pas sans rappeler celle de Manon Lescault de l’abée Prévost, deux héros en fuite pour échapper à leur destin qui passent par la Louisiane et Paris entre angoisse et exaltation. Vincent renonce à ses plans de carrière par amour pour Manon si belle et attachante mais définitivement libre.

L’ambiance quant à elle est hitchcockienne. Galien Sarde bouleverse la chronologie par des flashbacks et des révélations et recourt au retournement des procédés classiques. Il mène le lecteur au bout de l’intrigue par le prisme du suspense dans un style sans superflu. Il aurait pu l’écrire comme un scénario, il en fait un roman.

Ave Trafic, Galien Sarde dépoussière le genre et s’affirme dans le paysage littéraire.

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ?

Dur à dire… Le désir de dépasser la réalité, au départ. Puis celui de l’interroger, d’en saisir les rouages par la fiction. D’absolue, cette dernière est ainsi devenue un outil de recherche pertinent. D’où l’abandon de la poésie en faveur du roman, assez tôt. La prose du monde supplanté l’idéal, sans toutefois chasser ce dernier.

Avec Trafic, vous jouez avec le mélange des genres, qualifieriez-vous votre roman de roman noir ?

Trafic convoque en effet des codes du polar et, plus généralement, du thriller. L’épure de ses figures et le caractère implacable de son intrigue touchent au roman noir. La lumière y est reine, violente et aveuglante, machiavélique. Néanmoins, d’un autre point de vue, des couleurs y opèrent – le bleu, notamment –, qui ouvrent d’autres dimensions dans le livre, d’autres souffles. L’essentiel est que l’expérience de lecture soit intense.

Vincent et Manon sont des héros charismatiques, représentent-ils la version contemporaine de Manon Lescaut ?

Oui. Indéniablement. Trafic traite d’une passion captivante, comme dans le roman de l’abbé Prévost. Vincent et Manon sont jeunes et leurs corps sont fluides. La présence physique de Manon, notamment, à travers les yeux du héros, est étincelante. Par ailleurs, le cinéma irradie dans le livre, sublimant les personnages. L’esthétique du film où a joué l’héroïne contamine l’histoire dans laquelle elle est prise avec Vincent, intensément. À tel point que la réalité vacille sous le poids des images projetées comme elle peut le faire dans la vidéosphère où nous vivons actuellement.

Flux reflux, analepses, rythmes binaires, les techniques narratives sont parfaitement maîtrisées et intensifient l’intrigue. Quelle est votre façon de travailler l’écriture pour arriver à ce résultat ?

L’écriture de mes textes se fait toujours en deux temps. Elle prend d’abord la forme d’un premier jet à bout portant, aussi instinctif que possible. Et elle s’attache ensuite à retoucher cette matière première de façon réflexive pour en aiguiser les effets. Un travail de montage s’effectue ainsi, de post-écriture, si l’on veut, auquel succèdent plusieurs relectures stylistiques. Les techniques narratives ou linguistiques sont en tous cas générés par l’élan initial, qu’il s’agit d’accomplir.

Quels sont vos auteurs inspirants ?

Il y en a beaucoup. Le plus souvent, je lis en écrivain : en questionnant de l’intérieur les effets que je croise. On rejoint ici En lisant, en écrivant, de Julien Gracq. Or, en fonction de mes envies d’écriture, je m’oriente vers des livres différents. Si la forme est primordiale, faute d’un travail sur laquelle rien ne peut avoir lieu de nouveau, le fond – l’histoire narrée – me concerne également. Écrire un roman, c’est sculpter des affects, des percepts. C’est poursuivre une puissance narrative et une puissance verbale combinées. C’est pourquoi je navigue entre Proust et Stephen King, entre Duras et Haruki Murakami, par exemple. Chez les premiers,
j’interroge des formes abouties ; chez les seconds, je questionne la profusion narrative, en schématisant. Toutes les formes de fiction m’intéressent – à commencer par celles qui relèvent davantage de l’inspiration que de la programmation. J’aime les auteurs qui prennent des
risques.

L’actualité de Galien Sarde :

Elle est vive. Deux conférences ont eu lieu en octobre et des tables rondes arrivent mi-novembre, au festival des Littératures européennes de Cognac. Une rencontre-dédicaces s’est tenue à Saintes, une autre le fera plus tard à La Rochelle. Sur le plan de l’écriture, un roman est prêt et un autre est en cours. Tous deux prolongent ce que Trafic et Échec, et Mat, mon premier livre, ont initié. Beaucoup de choses pourraient se passer en 2024…

Trafic, Galien SARDE 146 pages, 17 euros https://fablesfertiles.fr/

Photographie Fables Fertiles


Sophie Carmona

Mail : sophie.carmona@outlook.fr

 


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