Nathalie Ohana a toujours été une conteuse. Le fil rouge de son existence, ce sont les histoires. Elle aime les raconter, aider les autres à faire émerger leurs histoires de vie, les jouer sur scène et accompagner les parcours de vie. Elle est intervenante en entreprise et coach avec le programme autour du changement de vie qu’elle a créé, « Avoir plusieurs vies ». Dans ce premier livre aux allures autobiographiques, c’est sa propre expérience qu’elle livre.
Ce livre est un adieu à sa mère.
Un premier livre intimiste que Nathalie Ohana se décidera à publier sous les encouragements, entre autres, de l’écrivain Christian Bobin.
Une jeune femme parle à sa mère qui se trouve dans le coma après un accident cérébral en ayant conscience qu’elle ne reviendra pas. Elle va l’accompagner ainsi pendant quelques jours jusqu’à sa mort.
Ce livre est un éloge, certes funèbre, mais empreint de poésie et d’amour. Sur le ton de la confidence, Nathalie Ohana se livre avec pudeur, elle décrit les événements de sa vie personnelle et intérieure, ses angoisses, ses regrets et ses projets.
Ce livre aurait pu être un texte douloureux sur le deuil et les regrets mais ce n’est pas le cas, ce récit n’est pas triste, il est bouleversant de douceur et de tendresse.
En refermant votre livre, on a le sentiment qu’écrire ce roman intimiste était essentiel pour vous. L’écrire a t’il été éprouvant ?
L’écriture a été aussi éprouvante que libératrice. Ce livre s’est pratiquement écrit seul, s’est dressé devant moi, page après page, jour après jour, comme l’évidence que je devais raconter et livrer au monde. Certains passages ont été écrits dans les larmes, d’autres dans une solitude absolue, et au fil des jours, j’ai décidé de ne garder que les passages qui éveillaient en moi une vraie émotion, même après plusieurs lectures.
La relation que vous aviez avec votre mère était intense, et pourtant, il y avait un décalage à cause de vos études et vos passions. Comment l’avez-vous vécue ?
C’était une relation entre une mère et sa fille qui était aussi belle que complexe. Entre elle et moi, il y avait à la fois l’amour et la distance, beaucoup de connivences et beaucoup d’incompréhensions aussi. Ce décalage m’a souvent fait souffrir dans ma jeunesse et ma vie d’adulte, mais l’écriture m’a réconciliée avec ma mère. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé la chance que j’avais eue de l’avoir eu comme mère.
Dans votre texte, vous employez le « tu », la proximité est immédiate pour le lecteur également. Est-ce un choix délibéré ou cela a-t-il été naturel ?
J’avais le livre, le message, le contenu mais j’ai mis du temps à trouver la forme. Je crois que toute narration qui n’aurait pas employé le « tu » n’aurait pas été adaptée. J’ai choisi cette forme là pour retranscrire la proximité qui existait avec ma mère, pour que le lecteur puisse immédiatement se glisser entre nous, et également parce qu’avant toute chose, je m’adresse à elle et rien qu’à elle.
Quelle a été votre relation avec Christian Bobin ?
J’ai découvert Christian Bobin relativement tard. Et la première fois que je l’ai lu, je n’ai cessé de le lire. J’ai lu chacun de ses livres comme on lit un recueil de poèmes. Son écriture, sa poésie et l’acuité du regard sur le monde m’ont toujours apaisée. Et puis, en 2022, alors que je venais de terminer l’écriture du premier manuscrit de « Réveiller ma mère », j’ai ressenti le besoin de partager ce texte avec lui. Il était pour moi l’écrivain de la perte et du manque. Et dans la solitude de l’écriture, dans ce noir là, j’avais tenu sa main. Une semaine après avoir envoyé mon texte, il m’appelait sur mon téléphone portable. Il me disait qu’il avait été extrêmement touché par le portrait que j’avais fait de ma mère et qu’on y sentait qu’elle avait une « maladresse de l’intelligence ». Ensuite, je suis restée en contact avec lui, il m’a même donné des conseils sur l’illustration de la couverture et j’ai appris sa mort alors que j’étais en train de lui envoyer le livre imprimé. Il est mort exactement au moment de la sortie du livre, comme si nos échanges m’avaient accompagnée jusqu’à l’existence matérielle de ce premier livre.
Quels sont vos auteurs inspirants ?
J’ai beaucoup lu dans le passé Stefan Zweig, Romain Gary, Emmanuel Carrère, Catherine Cusset. J’ai découvert des auteurs comme Delphine Arbo-Pariente, Sarah Chiche, Eric Chacour dont l’écriture a ce que j’appelle « un souffle ». J’aime entrer dans l’univers d’un auteur et baigner dans l’ambiance d’un livre des jours durant.
Quelle est votre actualité ?
J’anime des ateliers d’écriture en ligne toutes les semaines et je présente mon livre à Paris et à Lyon en janvier. Mon actualité est mise à jour sur mon site.
Nathalie Ohana, Réveiller ma mère, 128 pages, 18 euros
© SOPHIE CARMONA