Mokhtar Amoudi est un écrivain français. Son premier roman, Les conditions idéales, est inspiré de sa propre vie. Il est récompensé du prix Goncourt des prisonniers en 2023.
Skander est un enfant de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), sa mère d’origine maghrébine est dysfonctionnelle et également démissionnaire financièrement. Elle reste, cependant, assidue aux différentes visites parentales auprès de son enfant. Son père, lui, est aux abonnés absents. Les premières années qui correspondent à son premier placement en famille sont douces et paisibles et totalement conformes au cahier des charges de l’ASE. Mais à l’âge de 8 ans, la vie de Skander est à nouveau chamboulée avec un nouveau placement chez Madame Khadija. Il connaîtra une nouvelle famille, une nouvelle fratrie et une nouvelle ville de région parisienne, celle de Courseine, une ville terne et agitée estampillée Quartier Prioritaire de la politique de la Ville (QPV).
Madame Khadija présente des traits similaires au personnage de Madame Rosa dans La vie devant soi1 (R. Gary), une femme seule avec des enfants, abîmée par la vie, parfois inquiétante, mais finalement aimante et résiliente. Skander, doué pour les études, va devoir faire des choix pour sortir des chemins de traverse les plus obscurs. En effet, féru d’histoire et rêvant d’études supérieures, il se retrouve au milieu des caïds de banlieue et de la délinquance, il va grandir et évoluer dans le « tierquar » (Quartier en verlan).
Skander notre héros Voltairien2 va progressivement devenir un petit « sauvageon », entre La Haine et Orange Mécanique, pour ne pas dire un délinquant. Les personnages du roman sont un condensé du microcosme d’une famille adoptive, avec une mention spéciale à « Chorba » le grand frère dealer.
Les conditions ne sont pas franchement idéales, Skander, enrôlé dans la délinquance de quartier, va être condamné… à réussir ses études, une forme de rédemption, pour éviter la « case prison ».
Dans ce roman d’apprentissage, Mokhtar Amoudi apporte aussi une réponse littéraire aux pseudos conditions idéales de l’enfance pour parvenir à l’âge adulte. Avec une lucidité accompagnée d’une mélancolie candide de l’enfance, il évalue dans un récit initiatique le déterminisme social. En effet, dans un environnement défaillant socialement, Skander doit résister.
Le style alerte et ciselé désamorce les situations douloureuses grâce à un humour tendre, le ton est sincère et évite les clichés et stéréotypes habituels des banlieues. Nous sommes directement immergés dans le parcours chaotique de cet enfant que l’on suit de l’enfance à l’adolescence et même jusqu’au seuil de l’âge adulte. L’écriture vivante et réaliste permet d’entrevoir les difficultés des services sociaux, la vie des enfants placés.
Dans ce roman largement inspiré de sa vie, l’auteur évite le sentiment de misérabilisme et l’excès de pathos, Skander personnage imparfait devient attachant. Avec une sincérité désarmante et empathique, Mokhtar Amoudi effeuille les vies des personnages, surtout celle de cet enfant Skander, confronté à une société inégalitaire sans conditions idéales.
Mokhtar AMOUDI, Les conditions idéales, éditions Gallimard, 256 pages, 21 €
© HICHAME MAANANE
@chachachamechachame
NOTES :
1 GARY, Romain, La vie devant soi, 14 septembre 1975
2 VOLTAIRE, Candide ou l’optimiste, janvier 1759