Ce sont les silences que j’aime dans l’écriture, le silence de celui qui écrit et le silence de celui qui lit. En traçant des lignes, la plume qui chuchote nous aide à faire le point. Enjoindre la pensée à rejoindre le cœur. Prendre rendez-vous avec soi-même pour rencontrer l’autre.
Chercher une issue à la fréquentation du dérisoire, de l’insignifiant, du dénominateur commun.
Jean-Pierre Pinet nous propose son premier recueil composé de neuf nouvelles autour de la solitude, des solitudes, ornées de belles illustrations signées Isabelle Bourger.
La solitude choisie ou subie est un sentiment complexe qui peut être perçu comme une expérience isolante ou comme une occasion de réflexion personnelle. Et c’est cela même que traite Jean-Pierre Pinet en explorant différentes situations face à l’isolement. La solitude offre une profondeur émotionnelle et permet de refléter divers aspects de la condition humaine, la solitude physique ou la solitude existentielle. Qui n’a jamais été confronté aux solitudes ? Aux perspectives introspectives et parfois mélancoliques.
J’ai tellement aimé la solitude qu’ils m’ont offerte, ces souvenirs… La liberté qu’elle secréta me nourrit et m’anime encore maintenant.[1]
L’auteur est musicien et use de temps forts et de silences pour exprimer les émotions et emprunte des chemins différents pour exprimer le silence et la solitude dans un langage musical et une écriture rythmée, colorée et résonnante.
Jean-Pierre Pinet ne traite pas la solitude comme l’isolement social sans interférence avec autrui, mais explore le sentiment de solitude de l’être face à une situation ponctuelle ou un évènement plus durable. Il examine le sens et l’impact des solitudes aux différentes périodes de la vie, parfois même avec humour, comme celles évoquées durant l’enfance, l’ennui, la gêne, l’indiscrétion ou la mort.
Les personnages, tous différents, traversent la vie parfois avec un sentiment de détachement, éprouvant une forme d’isolement émotionnel qui crée des répercussions sur leurs destins.
Vous savez ces chemins qu’on aurait pu prendre et qu’on n’a pas pris, les bifurcations qu’on a choisies, les contre-allées pour toucher des doigts d’autres vies possibles. Notre route aurait pu dévier, parfois sans même que l’on s’en rende compte. Les choix, le courage dont on a fait preuve car parfois nous osons être intrépides, le regard qu’on aurait dû préférer détourner, qui nous situent au croisement de ces petites choses qui font de nous qui nous sommes : nous, différents d’un autre.
Jean-Pierre Pinet s’inscrit comme un écrivain des solitudes, non pas de celles qui vous tétanisent et vous collent au plancher, mais de celles qui font vivre parce qu’elles permettent d’être au plus près de ce que vous êtes.
Ces vies qui auraient pu être les nôtres, ces trajectoires détournées, ces occasions ratées, mais aussi ces hasards qui illuminent nos existences.
Les solitudes de chacun parmi les autres.
Il nous faut être vigilants : seuls, notre histoire nous échappe.
C’est avec l’autre qu’elle s’écrit, en silence, avec les yeux de l’intérieur où puiser d’autres raisons de croire ou d’aimer.
Les solitudes cheminent main dans la main, s’éloignent parfois, s’apprivoisent peu à peu, pas à pas. Et s’émerveillent les unes les autres, comme des soleils bienfaisants auprès desquels se réchauffer.
Solitudes des ciels gris et celles du grand bleu, solitudes des façades polies par les poussières du temps et celles de ces jeunes terres qui ne font confiance qu’à la lumière promise du printemps.[2]
Jean-Pierre Pinet, Solitudes, Éditions Fables fertiles, 2024, 274 pages, 18,90 €. Parution le 21 mars 2024.
© SOPHIE CARMONA
[1] Solitudes, p. 35.
[2] Postlude, extrait.