Dans Le temps infini (1968), l’esprit d’un homme mourant va soudain se morceler et partir en maraude dans la mémoire, en quête des êtres qu’il fut et de tout ceux qu’il rencontra, pour se guérir peut-être, peut-être pour comprendre ce vingtième siècle insaisissable auquel il participa de nombreuses manières, notamment en sauvant une femme juive de la déportation.
Ainsi délivrés des convenances terrestres, le rêve, les souvenirs et la réalité vont bientôt se confondre à l’insu du lecteur sans que l’on sache clairement quels évènements sont fantasmés et lesquels sont vécus. Sans aucune avarice métaphorique, avec l’espoir le plus vain et bientôt avec une amertume plus grande encore, Yvonne Escoula, multipliant les images impressionnantes et la confusion des sens, a bâti un récit sans la moindre faille qui met en exergue chuchotée l’ambivalence du temps infini pour un être de chair : bénédiction ou malédiction, « L’impersonnel instant d’éternité du vide » ou « le sud béni de la cendre des morts » ? (Roger Gilbert-Lecomte)