VIVRE. LE COMPTE À REBOURS


Après son roman orwellien 2084. La fin du monde et un temps qui s’est écoulé depuis, Boualem Sansal a réinvesti la littérature d’anticipation au mois de janvier 2024. Dans Vivre. Le compte à rebours, c’est un décompte, J-780, et dans un avenir qui nous semble proche. 

J-780 

Paolo, professeur des universités en mathématiques, a reçu dans la nuit une vision apocalyptique – une intrication quantique – provenant d’une entité, peut-être Oumuamua[1], et annonçant la fin de la présence des êtres humains sur la Terre et ensuite un voyage vers une « Terre-Neuve ».

J-763 : La nuit du destin

« Ce matin, une force m’avait attiré dans cette rue paisible du XIe arrondissement de Paris… Une annonce de vente, de location ? En accommodant mon regard j’ai lu… J-780 et au-dessous J-763. »

J-762 : Le sort en est jeté

« Après dix-huit jours d’angoisse sourde, enfin un frémissement, un début de soulagement. Il fallait voir, mon alter ego pouvait éclairer ma lanterne mais il pouvait aussi ajouter son ignorance à la mienne et me détruire. »

Dans cet appartement du XIe arrondissement, une minorité d’élus (Helen, Jason et Paolo) : les « Appelés » sont à la recherche de la vérité, depuis cette vision, « un peu comme les paradoxes de Zénon celui en particulier qui affirme que plus on cherche, plus on s’enfonce dans l’inconnu et moins on a de chances d’en sortir… ». Helen, Jason et Paolo sont un peu comme les premiers chrétiens sur le lac de Tibériade, un signe de croyance et de ralliement autour d’une entité.

J-700 : Le désespoir gagne et l’espoir peine à se tenir debout

« Thomas d’Aquin ne croyait qu’en ce qu’il voyait mais il croyait en Dieu qu’il n’avait jamais vu de ses yeux, grâce à quoi il est devenu un saint parmi les saints. N’est-ce pas là un encouragement à se mentir ? L’université n’est pas le lieu où on prêche la croyance, ni même la vérité, elle est dédiée à la reproduction sociale selon les lois du marché et les énonciations des majors. »

Les « Appelés » remettent en cause les schémas établis, une croyance doit être remplacée par une autre, tabula rasa de l’ordre établi à la fois temporel et spirituel.

J-310-J-301 : Se préparer au pire, le jugement de Salomon

« Si nous laissons la peur et l’intolérance posée comme dogme nous gouverner, personne n’embarquera, le vaisseau repartira vide, les musulmans ne veulent de personne, les juifs ne veulent pas des musulmans et de leurs amis, les Américains ne voudront pas des Chinois et de leurs clients et inversement… Si j’ai bien compté, cela représente 99,99 % de la population mondiale. »

Qui doit embarquer dans ce vaisseau vers la  «Terre-Neuve » après le Jour J ?

Le roman de Boualem Sansal est une exégèse des « Appelés » dans une traversée du désert vers une « Terre-Neuve ». L’auteur met en exergue avec une verve voltairienne le crépuscule de ce monde, les identités meurtrières[2], les crises écologique et de pensée… les fléaux du purgatoire. Les mots de l’auteur et de sa dialectique apocalyptique sont une forme de questionnement du genre humain, quelque part une rédemption. « J’étais aveugle, mais maintenant je vois ; pas seulement avec les yeux de chair, mais avec les yeux de »[3] Boualem Sansal.

 

Boualem Sansal, Vivre. Le compte à rebours, Éditions Gallimard, janvier 2024, 240 pages, 19 €.

 

© HICHAME MAANANE (@chachachamechachame)

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[1] Voir l’article de National Geographic « L’astéroïde ‘Oumuamua a laissé de précieuses informations avant de disparaître. » https://www.nationalgeographic.fr/espace/lasteroide-oumuamua-a-laisse-de-precieuses-informations-avant-de-disparaitre

[2] Voir MAALOUF, Amin. Les identités meurtrières. Grasset, 1998.

[3] La Bible, Évangile selon saint Jean, chapitre 9 verset 25.

Correction : Julie Poirier @correctrice_point_final


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