Je ne peux que vous conseiller d’aller voir la pièce A cœur perdu au Théâtre Essaïon adapté du roman Un Coup au cœur (Calmann-Lévy) par Hervé Bentégeat, la mise en scène est signée Véronique Boutonnet et la pièce est merveilleusement interprétée par Carmen Vadillo.
Coproduit par My Lymedias et la Cie la Salsa des Anges.
Théâtre Essaïon
6 rue Pierre au Lard
75004
(Métro Hôtel de ville ou Rambuteau).
Les lundis et mardis jusqu’au 14 janvier 2025 à 21h.
« Il était 17 h 20 lorsque mon cœur s’est arrêté. Je ne me suis aperçue de rien.
Ça s’est passé comme si je m’endormais. C’était doux, presque un soulagement. »
Un coup au cœur, Emmanuelle de Boysson.
Carmen Vadillo illumine la scène avec une performance pleine de grâce et de sensualité, portée par une mise en scène subtile, poétique et vivante ! Comédienne remarquable, elle nous fait vivre intensément le passage entre la mort et le retour à la vie.
L’adaptation du livre en pièce de théâtre est une réussite, avec une mise en scène qui sublime le drame d’Emmanuelle.
Dotée d’une énergie communicative et d’une présence solaire, Carmen Vadillo incarne avec légèreté et élégance la beauté de la vie.
Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre la distance nécessaire pour écrire et la proximité émotionnelle avec votre propre vécu ?
En rentrant de l’hôpital Cochin où j’ai été hospitalisé durant un mois après un arrêt cardiaque de trente minutes, suivi de six jours de coma, j’ai commencé à noter sur des feuilles blanches les images et les sensations qui me venaient, réminiscences très précises d’un endroit d’une infinie beauté où j’ai été dans la joie et la plénitude. Un pays où je suis sûre d’être allée lorsque mon cœur s’est arrêté. Je voulais me souvenir de tout, des vents doux qui circulaient entre les arcades de pierre, de la lumière transparente, du plaisir d’avoir rajeuni, d’être en apesanteur, du moment où je me suis rendue en dansant vers un ponton, de la mer cotonneuse et immense qui épousait le ciel, de cette grâce, cet état contemplatif extraordinaire. A l’époque, il m’est même arrivé de vouloir retourner là-bas. J’ai cherché les mots pour dire ce secret, l’indicible, des images poétiques me sont venues – je relisais les Fleurs du Mal, de Baudelaire. Ecrire a toujours été une nécessité, cette fois, encore plus. Il me fallait aussi raconter ce qui s’est passé depuis l’accident, les tentatives de réveil, les hallucinations, la douleur, la lutte pour la vie, la rééducation. Écrire m’a permis de prendre de la distance. J’ai voulu être au plus juste, revivre chaque scène, retrouver cette traversée pour moi, pour la partager, sans psychologie. Les faits suffisent, ils en disent long. Écrire est pour moi un jeu de mots, une habitude, un plaisir, un travail artisanal qui me relie aux tisseuses, aux brodeuses, aux peintres, aux acteurs.
Dans quelle mesure avez-vous modifié ou romancé votre expérience pour les besoins de l’écriture ?
Écrire suppose de me détacher de mon expérience, tout en m’en servant. Tout le paradoxe est là. Être vrai et se donner des libertés. Dire Je et brouiller les cartes. Se souvenir et inventer. Être une magicienne, une prestidigitatrice, comme disait Nabokov. Ma vie est un matériel, de la terre, des ingrédients avec lesquels je cuisine ! Dans ce récit romancé, Un coup au cœur, tout est vrai, mais j’ai fait des choix, je n’ai pas tout raconté, j’ai gommé ce qui aurait pu blesser mes proches. Par exemple, après ma sortie d’hôpital, je suis devenue parano l’espace de deux-trois mois. Sur les conseils de mon éditrice, j’ai allégé des tirades, coupé des passages. Ce livre est un roman parce qu’il est littéraire et par sa construction assez travaillée : j’y ai passé beaucoup de temps ! Tout le plaisir est dans la correction !
Comment l’adaptation théâtrale s’est-elle déroulée ? Qui en a eu l’idée ? Avez-vous collaboré à la transition de l’écriture littéraire à l’écriture théâtrale ?
Lorsque j’ai lu mon roman à haute voix à Anthony Palou, mon compagnon, je me suis rendue compte qu’il était très musical, rythmé, théâtral. Et j’ai eu envie de l’adapter. Cinq mois après la sortie, Hervé Bentégeat m’a proposé de le faire : « J’adore ton livre, il m’inspire, et en plus, je connais une actrice qui serait formidable », m’a-t-il dit. Banco ! Il s’est mis au travail très vite, m’a présenté Carmen Vadillo avec qui je me suis très bien entendue. « C’est elle la personne idéale », me suis-je dit. Alors, j’ai cherché un théâtre et, grâce à une nièce, je suis allée voir Michel Laliberté à l’Essaïon. Le 4 juin, une lecture a eu lieu avec des amis. Le soir même, Laliberté nous a programmé pour septembre. J’ai fait confiance à Hervé qui est parti en vacances avec le texte de la pièce à reprendre.
A la rentrée, sa mise en scène était faite, Carmen a commencé à jouer le 16 septembre.
Avez-vous collaboré étroitement avec le metteur en scène et l’actrice Carmen Vadillo pour rendre votre vision plus fidèle ? Comment cette collaboration a-t-elle influencé la pièce ?
Je n’ai pas eu le temps de travailler à l’adaptation et puis, j’ai fait confiance à Hervé Bentégeat et j’ai eu raison.
Je lui ai juste demandé d’ajouter un passage au début sur l’accident. On était trop vite au paradis !
En tant qu’auteure, comment abordez-vous la différence de réception entre un public de théâtre et celui d’un livre ?
Les réactions d’un public au théâtre sont à chaud, la salle vibre, rit, se montre tétanisée ou bouleversée, chaque soir est différent. Chaque soir, une prise de risque, alors que pour un livre, le lecteur est invisible, s’exprime à long terme, avec mesure, lors de rencontres ou par écrit. J’assiste à toutes les représentations et je suis émue à chaque fois. Surtout par le jeu de Carmen qui illumine mon histoire, la transcende, la porte à merveille, en crée une autre aussi. Elle danse, elle est tantôt grave, tantôt drôle, une actrice fabuleuse !
Pour l’heure, je suis prise, fascinée par son jeu, engagée dans cette aventure que je soutiens beaucoup, comme coproductrice et parce que mon livre a une deuxième vie. Le théâtre étant un spectacle vivant, Véronique Boutonnet, qui a monté Une vie, de Maupassant, et L’homme qui dort, de Perec, vient de reprendre la mise en scène, mais l’adaptation reste celle d’Hervé Bentégeat.
Quels sont vos projets ?
J’ai signé un contrat pour un nouveau roman chez Calmann-Lévy. J’ai hâte que « Un Coup au cœur » paraisse en poche !
Et j’espère que la pièce va être jouée à Avignon l’été prochain, qu’elle tournera en province et à l’étranger. Carmen est polyglotte !
A cœur perdu adapté du roman Un Coup au cœur (Calmann-Lévy) par Hervé Bentégeat, mise en scène par Véronique Boutonnet, interprété par Carmen Vadillo.
Coproduit par My Lymedias et la Cie la Salsa des Anges.
Théâtre Essaïon
6 rue Pierre au Lard
75004
(Métro Hôtel de ville ou Rambuteau).
Les lundis et mardis jusqu’au 14 janvier 2025 à 21h.
Pour prendre vos places :
https://www.billetreduc.com/352888/evt.htm?nr=1
Photographies ©Alain Hoareau
Un coup au cœur, Emmanuelle de Boysson, Calmann-Levy, 200 pages, 18 euros
Date de parution le 03 janvier 2024
© SOPHIE CARMONA Mes remerciements les plus chaleureux à Jeanne Orient.
Octobre 2024