Née en 1976, Cécile Chabaud est professeur de lettres à Paris. Elle est l’autrice d’un essai, Prof ! (L’Archipel, 2021) et de deux romans : Rachilde, homme de lettres et Indigne (Écriture, 2022 – 23).
Elle nous présente pour cette rentrée littéraire De femme et d’acier chez l’Archipel, son nouveau roman fondé sur l’histoire de l’unique femme médecin de la Première Guerre mondiale.
Roman mémoire.
5 juin 1919. Alors que la nuit tombe, le docteur Nicole Mangin, 40 ans, tente de trouver le sommeil et se remémore les moments forts de son existence.
Spécialiste de la lutte contre les maladies contagieuses et le cancer, elle se souvient surtout du front de Verdun, où elle a été mobilisée par erreur.
C’est parmi les poilus, sous les bombardements, dans des hôpitaux militaires et des installations de fortune, qu’elle écrira son destin.
Amie de Marie Curie, féministe courageuse confrontée à la dureté de la guerre et à la misogynie, Nicole se rappelle aussi ses fêlures de femme. Car, plus que quiconque, elle le sait : c’est de la douleur intime que naît le dépassement de soi.
Quelle a été la nature de vos recherches pour l’écriture de votre livre ?
J’ai découvert Nicole Mangin un peu par hasard. Et immédiatement intéressée par le parcours exceptionnel de cette femme, je me suis procuré la seule biographie qui existe sur elle, l’ouvrage de Jean-Jacques Schneider. J’ai pris conscience de la très belle matière romanesque que constituait la vie de Nicole. C’est là que j’ai entrepris de la raconter. Un peu à la manière de Zola qui effectuait un travail d’investigation avant de se lancer dans le récit, j’ai pris contact avec la famille de mon héroïne et me suis rendue à Verdun. J’ai ainsi pu avoir accès à de nombreux documents méconnus, notamment sa thèse sur le cancer, sa correspondance et des documents personnels. J’ai aussi pu marcher dans ses pas, dans les lieux où elle avait officié. Mon ouvrage étant à la première personne, j’avais besoin de cette plongée dans l’intime et dans sa réalité. Certes, il n’y a plus de tranchées ni de guerre, mais il subsiste à Verdun une atmosphère très particulière et la terre porte les stigmates de la souffrance des hommes.
Diriez-vous que Nicole Mangin est une pionnière ? Est-ce une des raisons qui vous a poussé à écrire De femme et d’acier ?
Nicole est évidemment une pionnière, et ce dans de nombreux domaines ! A l’instar de Marie Curie, avec qui elle a travaillé, elle s’est fait reconnaître et respecter comme une grande femme de sciences. Son parcours n’a pas été évident mais elle s’est imposée dans un univers d’hommes durant ses études de médecine, puis dans le domaine de l’assistanat social et enfin dans l’armée. Lorsque je me suis aperçue qu’elle n’avait pas été honorée de son vivant, je me suis fait un devoir de lui offrir la postérité et la reconnaissance qu’elle mérite. Je sais qu’il existe une rue à Paris qui porte son nom. Il y a également eu un timbre à son effigie. C’est un début mais je pense que l’on doit pouvoir faire mieux. Oserais-je le dire ? Je rêve pour elle… du Panthéon.
Vos écrits semblent s’orienter vers une écriture de la mémoire, comment considérez- vous votre rapport à l’écriture justement ? Peut-on parler de mémoire identitaire ?
La mémoire est mon fil directeur, oui. Dans mon premier ouvrage, « Prof ! », j’ai compilé mes anecdotes de classe pour ne pas les oublier. Par la suite, j’ai exhumé Rachilde, une féministe anti-femmes, romancière scandaleuse de la Belle Epoque. Puis ce fut le tour de mon étrange aïeul Georges Despaux, à la fois collabo et déporté. Nous devons apprendre de l’Histoire. Et ne pas laisser des personnages édifiants, ou des événements, sombrer dans l’oubli.
Vous êtes professeur, on vous sent particulièrement attachée à votre métier, est-ce des thèmes qui vous tiennent à cœur ?
La mémoire tient une grande place dans ma pédagogie. Je transmets un héritage, dont on m’a fait cadeau. Que ce soit la mémoire des textes ou des auteurs, mais aussi la mémoire d’hommes ordinaires qui par leur histoire ont participé à la grande Histoire. Ceci pour montrer aux élèves qu’ils ont un rôle à jouer dans la marche du monde.
Par ailleurs, j’ai travaillé avec mes classes autour de grands projets sur la mémoire de la Shoah, des gueules cassées, des poilus… Cette année, nous avons réalisé en 4ème un court métrage documentaire sur l’esclavage.
Quels sont vos auteurs inspirants ?
Sans hésitation et dans le désordre : Colette, Zola, Maupassant, Hugo. Mais je dois aussi citer Druon, Zweig et Umberto Eco. Et même (car durant mon adolescence, il fut un temps où j’étais fâchée avec la littérature), Brel et Barbara. Les beaux mots de ces deux auteurs m’inspirèrent leur nostalgie directement de l’oreille à l’âme.
Quelle sera votre actualité dans les prochaines semaines ?
J’attends avec impatience la sortie de « De Femme et d’Acier ». Pour l’instant, les salons et signatures prévus sont le Festival de Saint-Omer (5 octobre), le salon des Femmes de lettres (24 octobre) et le salon de l’Est parisien (17 novembre). En attendant, je vais tenter de trouver un autre personnage à faire découvrir à mes lecteurs…
Cécile Chabaud, De femme et d’acier, Éditions L’Archipel
240 pages, 20 euros
Parution le 22 août 2024