Agrégé de lettres modernes, Galien Sarde, 48 ans et blaisois de naissance, signe ses deux premiers romans Échecs, et Mat et Trafic, parus en 2022 et 2023, aux Éditions Les Fables fertiles.
Suit, en février 2025, Le Rouge et Laure, dans lequel le romancier nous embarque à nouveau dans un opus entre obscurité et lumière, jouant avec des esprits sombres coincés dans les dédales vibrants de la perdition humaine.
Dans Le Rouge et Laure, Galien Sarde livre un roman noir mystérieux où l’enquête criminelle se fond dans une exploration psychologique et sociale d’une rare intensité. À travers une prose incisive et teintée d’ironie, l’auteur détourne les codes du polar classique pour plonger le lecteur dans un univers où la vérité se dérobe, où les apparences trompeuses dessinent un tableau glaçant des passions humaines. Un va-et-vient de désirs poussant les corps et les cœurs à s’égarer en chemin lors de « rencontres éclair qui ne menaient à rien sauf au plaisir physique, immédiat ». Comment Gaspard aurait-il pu se dérober à cet amour fou naissant où Laure et « ses attraits éclipsaient tout » ?
L’intrigue prend racine à Lagord, petite ville à la tranquillité trompeuse, où Gaspard Vance, notable fortuné, est retrouvé mort dans des circonstances suspectes. Laure, sa troisième compagne, plus jeune et énigmatique — presque irréelle — se retrouve au centre des soupçons.
Dès lors, le récit oscille entre investigation et plongée dans la psyché des protagonistes, révélant
progressivement un monde corrompu par les illusions et les désillusions.
Laure, femme à la beauté envoûtante, inconsciente de son magnétisme, traverse seule les affres
de l’enquête, comme en apesanteur. Les visages se font flous autour d’elle, effacés par la chaleur d’un été suffocant, tandis qu’elle demeure en relief, mise au-devant d’une scène dont elle refuse le rôle principal. Au cœur d’une pièce au dénouement incertain, elle s’abandonne au manque et aux souvenirs de Gaspard, acculée par les rumeurs et les accusations.
Cette atmosphère oppressante confère au récit une tension presque palpable, où chaque regard posé sur Laure devient une interrogation sans réponse. Tout est là et pourtant, rien n’est visible.
Mais plus qu’un simple roman whodunit1, Le Rouge et Laure se distingue par son ambiance trouble, presque mélancolique qui s’accompagne d’une tension palpable qui se prête au roman noir. Le livre de G. Sarde joue habilement avec la frontière entre vérité et mensonge, laissant le lecteur constamment en suspens. Chaque révélation semble sujette à caution, chaque certitude est ébranlée par un détail nouveau.
« Nul n’aurait pu deviner ce qui grondait derrière le calme des apparences. »2
Le rapport au temps dans ce roman noir est particulièrement frappant. Il semble à la fois figé et insaisissable, dilaté sous la torpeur estivale. Ce ralentissement du temps accentue l’impression d’enfermement, où chaque instant pèse sur les épaules des protagonistes et rend l’échéance de la vérité encore plus étouffante.
Au-delà du drame personnel qui se joue, Le Rouge et Laure brosse aussi un portrait acéré des rapports sociaux et familiaux. On tombe alors dans une critique subtile d’un monde où les jeux de pouvoir et les apparences trompeuses façonnent les destins. Scrutés, jugés, dans cette petite ville de Charente-Maritime, Gaspard et Laure sont stéréotypés. Lui, riche et homme public ; elle, modeste et femme discrète.
L’écriture de cet auteur se distingue par une esthétique visuelle très marquée. La chaleur enveloppante, la lumière aveuglante, les couleurs feutrées de la maison de Lagord, les silhouettes incertaines deviennent des personnages à part entière dans ce tableau littéraire presque cinématographique, où chaque détail semble avoir son importance. Cette maîtrise du décor et de l’atmosphère renforce l’immersion du lecteur et confère au récit une puissance évocatrice singulière.
« La maison s’agrandit encore, à Lagord, devint immense, où le temps lui-même s’amplifia, se multiplia. Proportionnellement à leur désir, toujours flagrant, elle leur fit un port, un refuge, un havre de paix où revivre loin du monde. Pour eux et personne d’autre, c’était comme si elle même était émue, la maison, souhaitait aider Gaspard, le guérir. »3
Avec ce nouveau roman, Galien Sarde confirme son talent dans un genre plus réaliste, tout en conservant cette délicate relation avec le caractère onirique de son style d’origine. Le Rouge et Laure est une œuvre troublante, où la noirceur de l’âme humaine prend toute sa dimension. La rédemption sera-t-elle possible quand la vérité éclatera ?
Galien Sarde, Le Rouge et Laure, aux Éditions Les Fables fertiles à Paris, parution officielle le
11 février 2025, 232 pages, 18,60 €.
© Amandine Floriot – Mot Correct Exigé – Février 2025
1Genre littéraire, devenu synonyme du roman à énigme, dans la veine du jeu Cluedo.
2Extrait tiré de la page 127.
3Extrait tiré de la page 95.