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On laisse le monde derrière soi
Lieu désert
En-dehors des aménagements
Les vagues ont voyagé trop loin pour être familières.
Kenneth White Mémorial de la terre océane.
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Kenneth White nous a quitté il y a peu. Il s’est éteint à Gwenved, son éden de Trébeurden qu’il nous décrivait si fidèlement dans son roman « La maison de la marée » publiée en 2005. D’origine écossaise et parfaitement bilingue, il écrivait instinctivement ses essais en français et ses poèmes ou « way-books » en anglais, sa femme fut sa fidèle traductrice. Il puise tout au long de sa vie son inspiration dans les voyages physiques ou poétiques et offre une écriture ouverte qu’il nommera lui-même le « nomadisme intellectuel ». Son livre « L’Esprit Nomade » en présente une base théorique détaillée. Tout comme Joseph Kessel, il s’inspirait de ses voyages pour en tirer des livres. À ceci près que le travail de Kenneth White a constamment été marqué par la quête d’une œuvre transdisciplinaire. Il se différenciait également par sa méthode, celle-ci mettait l’accent sur l’itinéraire intellectuel que lui inspirait ses voyages, plutôt que la simple description des lieux qu’il a pu arpenter. Il pressait ses expériences pour en tirer l’encre nécessaire à son écriture, dont la plume prenait un angle autant scientifique que poétique. On pourrait le qualifier de reporter de l’esprit autant que de terrain.
Kenneth White aimait les rivages, lorsque la terre rencontre la mer.
Il chérissait la côte de granit rose et souhaitait préserver l’esprit du littoral et faire de Gwenved une maison d’écrivains, une incroyable bibliothèque offerte incitant les pensionnaires d’un temps à travailler sur la géopoétique. C’est en 1989 qu’il crée d’ailleurs l’Institut International de géopoétique, un projet ouvert au monde, mêlant l’exploration d’un rapport sensible et intelligent à la terre, une poétique du chaosmos : celle-ci se caractérise par le fait de suivre les lignes de la Terre à partir de la figure nietzschéenne de « l’isolé ». À propos de la géopoétique, Laurent Margantin écrivait « [elle] n’est pas une idéologie de plus, elle se caractérise plutôt par sa démarche syncrétique, ouverte qu’elle est à d’autres cultures, à d’autres savoirs, à d’autres champs d’expérience ». Kenneth White précise sa pensée dans un ouvrage « Au large de l’histoire ». Il explique que le but de la géopoétique est d’instiller chez les auteurs un questionnement dont le point de départ se situerait entre la poésie, la philosophie et la science. Un peu plus tard il rajoutera que cette notion prend également en compte le rapport de l’être humain à la terre. Se jouant des limites de chaque discipline, nombreux auraient pu le voir comme une sorte de magicien de la poésie, qui aurait su distiller à ses lecteurs des notions générales sur l’ensemble de celles-ci à travers sa prose. Il aura donc réussi à créer une alchimie entre toutes les disciplines pour en tirer des textes ou poèmes.
En observant la simplicité qu’il avait à familiariser des thèmes à priori complexes, une citation de Jean Cocteau nous vient à l’esprit :
« Un coup de baguette, et les livres sont écrits, le cinéma tourne, la plume dessine, le théâtre joue. C’est fort simple : Magicien. Ce mot facilite les choses. Inutile de mettre notre œuvre à l’étude. Tout cela s’est fait tout seul. « .
Sophie Carmona & Gaspard Rambel
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