Née en 1968, Cécile Reyboz, avocate en droit du travail à Paris, s’engage dans la voie de l’écriture à travers la parution de diverses nouvelles et de textes de pièces de théâtre dont Sushis variés. En 2008, paraît son premier roman, Chanson pour bestioles, qui lui ouvre la voie de l’édition chez Actes Sud et l’obtention de plusieurs distinctions littéraires parmi lesquelles le Prix Lilas, la même année.
Suivront trois autres romans qui dépeignent avec poésie le destin de personnages dont la vulnérabilité est leur plus grande force et leur regard unique, une exploration au cœur du monde qui les entoure. Le ton est donné, Cécile Reyboz joue avec le mouvement et le sentiment dans chaque morceau de vie qu’elle écrit, comme une barque bercée par les petits bonheurs et somme toute, les grands obstacles à surmonter. C’est avec une délectation sans nom que le lecteur plonge dans les vagues émotionnelles de protagonistes qui doutent, qui évoluent, et qui osent paver le chemin de leur existence.
Elle signe son dernier roman, Face à la pente, aux Éditions Denoël, qui sera mis en vente le 6 mars 2024.
Désabusée et sans plus d’attache – si ce n’est sa fille qui ne jure que par le faste citadin –, Léonore s’embarque dans le sillon de la préretraite, sans savoir de quoi sera faite la seconde partie de sa vie de femme.
Intriguée par le récit d’une star des années Disco, s’accrochant encore à une carrière déchue et à une jeunesse perdue, elle part à la recherche d’une propriété laissée à l’abandon dans la campagne grenobloise. Déraison ou espoir, Léonore, habituée aux listes « de trucs » trompant un quotidien tapissé d’un ennui routinier, se laisse guider par ses toutes nouvelles impulsions dans ce qui s’avérera un saut dans le vide pour cette cinquantenaire un peu perdue.
Tout au long de son roman, l’écrivaine s’amuse avec de drôles de statistiques, où le personnage, désormais libre de toute contrainte, va déjouer les mathématiques populaires.
Au gré d’un texte saccadé de va-et-vient pensifs et d’élans qui font sourire, Léonore se retrouve au centre des nœuds politiques d’une petite bourgade, lui collant alors dans le dos l’étiquette de la malvenue de service.
N’écoutant que son cœur, elle va se battre pour la sauvegarde de ce terrain convoité pour de nombreux projets.
Dès lors, s’ensuivent et s’entremêlent le délicat parfum d’un amour naissant, des rumeurs et des regards en biais, un pari fou qui galvanise cette nouvelle représentante du courant Nold[1], des chemins de traverse teintés de descriptions poétiques ancrées dans les yeux de cette femme qui parvient à voir dans le creux de la vallée ce que les habitants ne voient plus.
Avec courage, elle s’entêtera à suivre sa propre voie, animée par l’ivresse de l’inconnu et le souhait de s’intégrer dans ce village où elle veut poser ses valises.
C. Reyboz tire des palettes colorées des nuances de couleurs vives et saupoudre la campagne et les montagnes de l’Isère de camaïeux pittoresques. Elle a le sens de la formule pastorale et authentique pour brosser ces tableaux ondoyants qui comptent la mesure du temps et content les saisons.
Léonore est habitée par l’envie de vivre le Rien pour remplir sa réalité d’un Tout bucolique et essentiel. Mais que faire de cette peur légitime d’être prise par le vide qui erre en soi et autour de soi ? Sa seule réponse pour y remédier : camper sur ses positions et défendre coûte que coûte cette vue si précieuse plutôt que la futilité des plans proposés.
Une envie de simplicité éclairée et assumée par cette sensible contemplatrice : « Pas construire, mais poursuivre ». Mais pour y arriver, elle fait face à la fois au tumultueux et au « doux suspens de la pente ».
Cécile Reyboz, Face à la pente, Éditions Denoël, 140 x 205 mm, 240 pages, 18 euros. Parution le 6 mars 2024.
© AMANDINE FLORIOT
[1] Génération de 45-65 ans qui fait face à un entre-deux âges, mais qui ne se sentent ni « pas assez jeune » ni « trop vieux » pour aborder cette période de leur vie, cassant ainsi l’image type du senior.