Né en 1976 aux États-Unis, Alexandre Lenot est scénariste et vit à Paris. Cette vieille chanson qui brûle est son second roman. Le premier, Écorces vives, paraît chez Actes Sud en 2018 et gagne le prix Première de la RTBF.
En écrivant Cette vieille chanson qui brûle, Alexandre Lenot remporte un pari risqué : rendre compte de la puissance, mais également de l’inouïe fragilité non seulement de la vie, mais aussi de la nature et des liens qui nous unissent à ceux qui nous sont chers.
Nés dans la Demeure, au cœur de la forêt, d’une mère disparue avant qu’ils aient eu le temps de s’en souvenir et élevés par un père qui les bat, Noé et Jérémie ont commencé leur vie loin de la civilisation. Lorsqu’ils sont contraints, tardivement, de débuter une scolarité et au moment où leur père doit vendre ses terres pour permettre la création d’une station d’épuration, les jumeaux se voient tiraillés entre le choix de s’éloigner pour se reconstruire et celui de rester et défendre le territoire qui les a vus grandir. Toutefois, une ombre plane : celle du père. Si les prénoms dont sont pourvus Noé et Jérémie ont des consonances bibliques, c’est bien leur propre patriarche qui régit leur existence. Mais alors, les liens du sang sont-ils réellement indéfectibles ?
Dans ce roman d’une infinie poésie se mêlent la colère d’un fils en mal d’amour, la douleur d’un frère endeuillé et une ode à la nature, au territoire de l’enfance.
« […] je ne pouvais pas revenir ici sans elle, je n’ai jamais eu ce choix-là, après tout c’est ici qu’elle est née en même temps que moi et, depuis, où je vais elle me suit comme une chienne dont je ne serais pas le maître,
ce n’est jamais moi qui l’appelle,
jamais, je le jure, je n’ai dit, Colère, viens avec moi,
jamais je ne l’ai invitée à entrer,
jamais je n’ai dit, Colère, aie pitié et ne me laisse pas seul,
enfin, je ne crois pas. »
Ce roman d’apprentissage interpelle en montrant qu’il est possible de survivre malgré le fait d’avoir tout perdu, même ce qui compte le plus. Conçu comme une vaste apostrophe au père, il suscite en nous de profonds questionnements, notamment sur le conflit incessant et la dialectique entre nature et culture, ainsi que sur la force des liens familiaux. Avec un style précis et rythmé, le narrateur interroge les multiples formes de langage à travers lesquelles il – et peut-être nous, en miroir – interagit avec les hommes, les animaux, la nature, et avec lui-même. Il questionne aussi ce langage utilisé pour exprimer rancœur, douleur, chagrin, avant de parvenir à raconter.
Alexandre LENOT, Cette vieille chanson qui brûle, Éditions Denoël ; 2024, 240 pages, 20 euros
© PAULINE CORREIA
Correction : Amandine DE VANGELI — @adv_correction