Nous vivons dans un monde aujourd’hui en insécurité. Comment vivre en paix ? Comment vivre sous la menace du terrorisme ?
Pouvez-vous présenter votre association ?
Fondée par Latifa Ibn Ziaten le 24 avril 2012, l’association IMAD pour la Jeunesse et la Paix a été créée en réponse aux attentats terroristes survenus à Toulouse et dans sa région en mars de la même année. Elle porte le nom du fils de Latifa, le maréchal des logis-chef Imad Ibn Ziaten, tragiquement assassiné à l’âge de 30 ans par Mohammed Merah le 11 mars 2012.L’association est basée à Rouen, en Normandie, et intervient sur l’ensemble du territoire français ainsi qu’à l’international. Elle mène des actions de sensibilisation et développe également des projets éducatifs.
Quelles sont les actions mises en oeuvre ?
La demande pour nos interventions est tellement forte que nous ne pouvons répondre à toutes les sollicitations. Actuellement, nous réalisons deux à trois interventions par semaine, ce qui représente déjà une charge de travail conséquente. Pour vous donner une idée, notre agenda est complet jusqu’à la fin de l’année 2025/2026. Nous priorisons les établissements ayant un besoin urgent, mais malheureusement, tous ne peuvent financer ces interventions, et les subventions actuelles ne couvrent pas la totalité des demandes. Cela nous oblige souvent, à contre-cœur, à annuler ou reporter certaines interventions.
Nous menons également des projets éducatifs ou des chantiers sur divers thèmes. Nous nous sommes rendus en Chine, aux États-Unis, en Israël, en Palestine et au Maroc. Nous travaillons en amont avec les groupes pour une préparation et un bon fonctionnement communs. Ces projets sont principalement financés grâce aux dons de nos généreux donateurs, que nous remercions infiniment. Ces initiatives ont un taux de réussite de 98%, et nous en sommes fiers. Les participants, qu’ils soient enfants ou adultes, en ressortent transformés et deviennent des ambassadeurs de paix après un stage de 15 jours. Nous organisons deux de ces stages par an, dans la mesure du possible, bien que nos demandes de subventions n’aboutissent que rarement.
Qu’est-ce qu’un attentat?
Je ne souhaiterais à personne de vivre un attentat, surtout si cela implique la perte d’un être cher, comme cela m’est arrivé avec mon fils. On se réveille avec cette douleur, on dort avec elle, et notre vie d’avant disparaît. Aujourd’hui, nous vivons pour tendre la main aux autres, car il est extrêmement douloureux de perdre quelqu’un du jour au lendemain et de se retrouver seul. J’ai eu la chance d’avoir la double nationalité, et Sa Majesté ne nous a pas oubliés. Elle a pris soin de nous comme si nous faisions partie de sa famille, et je suis profondément reconnaissante pour cet acte. Je pensais que toutes les portes étaient fermées, mais le Roi n’oublie pas ses enfants.
Récemment, la loi relative au délit d’apologie du terrorisme a été mise sous tension à l’Assemblée. Selon vous, avons-nous encore des progrès à faire en matière de sensibilisation au terrorisme ?
Je suis profondément préoccupée par cette proposition de loi et je ressens le besoin de réitérer ceci : l’apologie du terrorisme n’est pas une simple opinion. C’est une menace directe pour la paix et la sécurité de notre société. Minimiser cet acte revient à ignorer les souffrances des victimes et de leurs familles, marquées à jamais par ces crimes abominables. Les mots ont un pouvoir immense : ils peuvent semer la haine, attiser la violence et encourager la radicalisation. Nous avons tous la responsabilité de protéger nos valeurs républicaines et d’empêcher toute expression qui glorifie l’horreur. Abroger cette loi constituerait un recul grave et dangereux pour notre pays. J’appelle les responsables politiques à bien mesurer les conséquences d’une telle décision. Restons unis et fermes face à la menace terroriste et à ceux qui, de quelque manière que ce soit, la soutiennent.
Quels sont les moyens pour lutter contre la radicalisation ?
Il est essentiel de poursuivre les interventions de sensibilisation que je mène, car elles portent leurs fruits grâce au dialogue et à l’amour. Savoir tendre la main à n’importe qui et le soutenir dans ses actions est crucial. Il est important de ne pas orienter une personne sans son consentement, d’être à l’écoute et de l’accompagner. Personne ne naît terroriste, on le devient à cause de circonstances humaines. Nous, acteurs de terrain, avons la lourde responsabilité de nous en occuper. Chaque mois, deux à trois familles me contactent au sujet de leurs enfants en voie de radicalisation, souvent par peur de contacter la police. Nous travaillons avec ces familles malgré les moyens limités que l’État nous offre. Si l’État nous apportait un soutien plus important, ce serait un véritable miracle, et nous pourrions envisager d’ouvrir un centre accessible au public.