Pouvez-vous vous présentez ?
Bonjour, je suis docteure en psychologie du développement, avec une spécialisation dans l’autisme et la perception sensorielle. En parallèle de mes activités de recherche, j’enseigne la psychologie du développement à l’université.
Quel est le but de vos travaux ?
Le but de mes travaux est de mieux comprendre comment les personnes autistes perçoivent et réagissent à leur environnement sensoriel. Bien que les recherches sur ce sujet aient beaucoup progressé au cours des trente dernières années, la perception sensorielle dans l’autisme reste un sujet de débat, notamment parce qu’il n’y a pas encore de consensus sur les signes cliniques qui pourraient caractériser ces particularités.
Dans le cadre de mes recherches, j’ai co-développé le projet InTEnSeA avec deux chercheuses, qui explore ces différences à plusieurs niveaux, de la réponse physiologique jusqu’au comportement. Mon objectif est de contribuer à des approches plus inclusives et adaptées aux besoins spécifiques des personnes autistes, pour améliorer leur qualité de vie et celle de leurs familles.
Comment définir une personne autiste ?
Avant tout, il faut garder à l’esprit que l’autisme est une condition extrêmement hétérogène. En d’autres termes, les manifestations peuvent varier considérablement d’une personne à l’autre ce qui explique pourquoi on parle de spectre de l’autisme.
Sur le plan clinique, on définit l’autisme comme un trouble neurodéveloppemental, c’est-à-dire une condition qui influence la manière dont une personne interagit avec son environnement et les autres. Cela peut se traduire par des particularités dans la communication sociale, des comportements répétitifs ou des intérêts très ciblés. À cela s’ajoute souvent une sensibilité sensorielle, avec des réponses aux stimulations atypiques.
Est-ce une maladie ?
L’autisme n’est pas considéré comme une maladie. Il est plutôt caractérisé aujourd’hui comme une neurodivergence. Contrairement à une maladie, l’autisme n’a pas de « remède » à rechercher.
L’adjectif « autiste » est rentré dans le langage courant pour désigner quelqu’un de bête. L’autisme est-il nécessairement synonyme de déficience intellectuelle ?
Ce qui distingue une personne autiste, ce n’est pas son niveau d’intelligence, mais plutôt des particularités dans la perception et la communication.
Le terme « déficience intellectuelle » peut être problématique, car il donne l’idée d’une limitation générale des capacités cognitives, ce qui est une vision erronée.
Chez les personnes autistes, les capacités sont souvent très variées : elles peuvent exceller dans certains domaines tout en rencontrant des défis dans d’autres. Je recommande sur ce point le livre de Naoki Higashida, écrivain autiste non-verbal, qui nous permet de déconstruire un certain nombre de stéréotypes sur le sujet.
Comment peut-on accompagner une personne atteinte d’autisme ?
Il n’y a pas de solution unique, mais quelques principes peuvent guider l’accompagnement.
D’abord, il est essentiel d’entrer en communication et de comprendre comment la personne fonctionne. Chaque individu a ses propres besoins, et souvent, les personnes autistes savent ce qui leur convient le mieux. Lorsqu’on peut, il faut simplement leur demander.
Ensuite, il s’agit de créer un environnement sécurisant et prévisible. Des routines claires, des supports visuels ou des ajustements sensoriels peuvent réduire le stress et favoriser leur autonomie.
Accompagner une personne autiste, c’est reconnaître son individualité, valoriser ses forces et créer un cadre où elle peut s’épanouir.
Y a-t-il un langage propre à la personne autiste ?
On ne peut pas dire qu’il existe un langage propre à la personne autiste, en revanche on peut dire que le langage est utilisé de manière différente. Par exemple, leur rapport aux sens des mots ou à la structure des phrases peut aboutir à des expressions ou à une manière de s’exprimer qui sort de l’ordinaire.
Ces différences pourraient s’expliquer par une approche très précise du langage et une façon d’associer les idées qui sort de l’ordinaire.
À ce sujet, je citerais Hélène Nicolas, connue sous le nom de Babouillec, qui écrit : « Mes mots sont mes coups de gueule arbitrés comme la fantaisie mentale, la moleskine d’un combat à poings nus. »
Interview réalisée avec Sandra Brouche, Doctorante en psychologie.