Sévèrement mis à mal par la critique française depuis sa sortie, le dernier Stephen King est en réalité bien plus profond que son apparente niaiserie ne le laisse présager.
Après un haletant M. Mercedes qui a introduit le cabinet de détectives des Finders Keepers auprès du lectorat avec son inimitable détective Bill Hodges, King a réussi à éclipser petit à petit cette figure majeure de son univers afin de mettre sur le devant de la scène la figure féminine forte de Holly Gibney, vieille fille quarantenaire et détective privée sur les traces des pires meurtriers des États-Unis. Holly est une héroïne discrète, toujours en second plan. Elle apparaît afin de résoudre l’affaire surnaturelle de L’Outsider au travers d’une mise en échec d’un démon d’une autre dimension d’une façon absurde et ridicule… La fin de la créature dont il était question dans L’Outsider était un piètre doublon de la mort de Ça[1].
Holly est ensuite apparue dans un roman court – format auquel le maître ne nous a que rarement habitués (excepté peut-être avec le magnifique Misery) – intitulé Si ça saigne. Ce petit livre permettait de faire le pont entre le surnaturel de L’Outsider et l’introduction de personnages clés du dernier roman en date.
C’est donc tout naturellement que Stephen King fait le choix d’intituler son roman Holly, du nom de sa détective qu’il fait enfin devenir protagoniste de sa propre histoire. On devine dans la démarche un peu de fan service[2] puisque Holly est un personnage très apprécié des lecteurs.
En pleine période de confinement Covid post-Trump, c’est avant tout un tableau nerveux de la société américaine que nous croque l’auteur. Le tout est décrit sur le vif. La critique française n’a pas su voir chez King les qualités indéniables de satiriste et de polémiste inhérentes à son écriture romanesque. Résumer Stephen King (ou Richard Bachman selon son pseudonyme) à ses écrits d’horreur, c’est limiter la compréhension de son univers qui est, somme toute, très proche du nôtre.
À titre de comparaison, Holly, avec ses thématiques taboues, est fort similaire à la nouvelle « Bon ménage »[3] dans laquelle une femme découvrait que son époux était un tueur en série depuis une trentaine d’années. Holly ne réinvente pas le thriller psychologique, qu’on se le dise, il ne tire même pas son suspens de son organisation narrative. Le roman alterne entre le point de vue de Holly et ceux des victimes sous la forme de chapitres subdivisés en scènes, à la façon d’un film ou d’une série. La lecture n’en est que facilitée.
On reprochera seulement à King ses digressions habituelles visant à dépeindre avec une précision un peu excessive le décor et certains événements historiques. Pour ce qui est de la fabrication de la fiction, King a renoué avec ses vieilles habitudes qui consistaient à suggérer plutôt qu’à tomber dans le gore et c’est un point que la critique n’a, semble-t-il, pas remarqué le moins du monde.
Sans divulgâcher l’histoire de ce Holly, les problématiques de la vieillesse, du complotisme de l’ère Trump, de la pandémie et du scepticisme face aux vaccins cristallisent ensemble les origines du mal du roman, à ceci près, comme je le disais au début de cette critique, que la cruauté dans ce livre n’est plus un trait qui serait le propre du surnaturel. Le mal a une forme bien humaine, cachée en Monsieur et Madame Tout-le-monde, et, à mon avis, Stephen King est bien plus effrayant quand il dissimule le mal dans des âmes tourmentées plutôt que dans des êtres imaginaires. Son nouveau roman saura vous tenir en haleine, pour peu que vous lui donniez sa chance en vous ouvrant au ton décomplexé et mordant qui est utilisé.
Holly n’est peut-être pas le meilleur thriller de Stephen King, ce n’est en tout cas certainement pas le pire, mais c’est sûrement le plus juste de ces dix dernières années.
Stephen King, Holly (traduit de l’anglais par Jean Esch), Albin Michel, paru le 1er mars 2024, 528 pages, 24,90 euros.
© BENJAMIN DEMASSIEUX
[1] Il s’agit de la créature terrifiante du roman éponyme. Elle se nourrit de la peur des gens et les dévore ensuite.
[2] Il s’agit d’un livre écrit pour plaire à des fans.
[3] Extraite du recueil Nuit noire, étoiles mortes.
Woah! I’m really enjoying the template/theme of this website.
It’s simple, yet effective. A lot of times it’s tough to get that « perfect balance » between superb usability and visual appeal.
I must say you’ve done a awesome job with this.
Also, the blog loads very quick for me on Internet explorer.
Exceptional Blog!