LES CONJECTURES DE SOPHIE


Un matin de mai 1807

La lettre attendait sur le petit guéridon. La mère de Sophie l’y avait déposée une minute plus tôt après être entrée sans frapper, selon son habitude.

— Elle vient de Brunswick. 

Assise devant son scriban, sa fille ne réagit pas. Sans se formaliser de ce silence, madame Germain s’avança dans la première des deux vastes salles en enfilade de la bibliothèque familiale, tripota les coiffes de quelques-uns des milliers d’ouvrages qui s’alignaient sur les étagères, tâta les clous de tapisserie d’une grande bergère bleue, vérifia du doigt la suie sur les chenets, en s’étonnant que Justine les ait pour une fois bien astiqués, et termina sa tournée en ouvrant les fenêtres étroites qui donnaient sur la rue Saint-Denis.

— Ça sent trop les chiffres, ici !

Sa sempiternelle plaisanterie. Puis elle tourna les talons de ses escarpins sur le parquet à chevrons hongrois et sortit, oubliant une paire de boucles d’oreilles sur le marbre de la cheminée et son châle dans le creux de la causeuse. Comme toujours, songea Sophie, lassée par la distraction maternelle, chez une femme qui pourtant supervisait sa maisonnée avec efficacité. Elle y vit surtout une bonne raison pour sa mère de revenir la perturber tôt ou tard dans son travail. Car Sophie travaillait. Assise dans son fauteuil bordeaux, en face du trumeau qui séparait les deux fenêtres, elle rédigeait une nouvelle démonstration. La conjecture de Fermat l’occupait volontairement le jour et involontairement la nuit.

Depuis que la porte s’était refermée, Sophie s’efforçait de concentrer à nouveau son attention sur les lignes tordues et précieuses qui s’étalaient sur le feuillet en face d’elle, mais le guéridon   l’attirait avec la violence d’un aimant, cette large enveloppe crème froissée par le voyage, en haut de laquelle s’alignaient en caractères gothiques tracés d’une main ferme une adresse à Brunswick, en Prusse, et le nom familier de Carl Friedrich Gauss.

Ses doigts se crispèrent sur sa plume au bout de laquelle l’encre avait séché.

L’ouvrir et lire la lettre, cette simple perspective provoqua un frisson qui lui picota la peau du coccyx jusqu’à la nuque. Le contenu, elle s’en aperçut avec consternation, l’effrayait. Une chance sur deux qu’il signât la fin de sa collaboration fructueuse des derniers mois avec l’éminent savant.

Une sur deux.

C’était beaucoup, c’était énorme, démesuré, incommensurable. Nul besoin d’être une mathématicienne chevronnée pour s’en rendre compte.

Ses mains soulevèrent les dossiers éparpillés devant elle, les notes et les cahiers, les livres,  ouvrirent les tiroirs du scriban en acajou marqueté avec une fébrilité croissante, dérangèrent à nouveau ses documents. Où avait-elle mis le coupe-papier ? Contrariée, elle se leva, prête à tout retourner pour le trouver, mais une sensation de vide la saisit, ses bras s’amollirent et elle se courba, clignant des paupières face à ce monde flou de feuilles raturées aussi blanches et noires que des dents gâtées sur le point de la dévorer.

Là, sous ses yeux, brilla le bout de la lame aiguisée. Comment ne l’avait-elle pas remarquée ? Sa main trembla en se resserrant autour du manche d’ivoire. Dans quelques secondes, elle saurait, songea-t-elle en se tournant vers le guéridon avec la faiblesse d’une toupie arrivée à son dernier cercle. La porte s’ouvrit.

— Tu n’as pas vu mon châle de soie ? Celui avec les oiseaux ?

Sans attendre de réponse, sa mère, car c’était elle, entra, avisa le tissu fin en tapon au fond de la causeuse et le jeta avec grâce sur ses épaules, puis s’avança vers Sophie. Une ride verticale apparut entre ses sourcils.

— Pourquoi cette mine toute chiffonnée ? Tes chiffres te font des misères ?

Sa paume caressa avec douceur la joue de sa deuxième fille, encore célibataire  et sans aucun désir de se marier, au contraire. Sa sœur aînée, Dieu soit loué, avait contracté une union heureuse et profitable dont se félicitaient leurs parents, et la cadette suivait la bonne voie. D’un doigt impérieux, madame Germain repoussa une bouclette derrière l’oreille de Sophie et tapota la coiffure brossée à la hâte sur son crâne oblong, et ornée d’un bandeau délavé, nota-t-elle en retenant un soupir. Et cette robe, mon Dieu, depuis combien d’années la portait-elle ? Sa fille, celle du meilleur drapier de l’arrondissement, s’habillait vraiment comme une blanchisseuse de la rue des Minimes.

Un sourire forcé se peignit sur son visage de mère déçue. Comme elle aurait aimé éprouver de la fierté face à l’esprit de sa chère enfant ! Au début, elle avait pensé lui confier la comptabilité du Cabas d’or, le magasin familial de draps, au rez-de-chaussée de leurs appartements, juste sous leurs pieds, mais cet espoir s’était vite évanoui. Le talent de Sophie ne rapportait que des nuits blanches, des déconvenues, et parfois même des moqueries : une jeune femme aux passions d’homme… Une branche morte qui ne donnerait jamais de fruits, voilà ce que sa Sophie deviendrait, un beau gâchis. Son sourire s’élargit encore, puisqu’il fallait toujours faire bonne figure, puis madame Germain recula de quelques pas, comme pour mieux estimer le désastre : sa fille, les cheveux rebelles au bandeau, en robe passée de mode, perdue au milieu de ses livres et de ses feuillets couverts de gribouillis.

— Ton père partira vers onze heures, mais sera de retour pour midi. Rafraîchis-toi le visage avant le déjeuner, et mets la tenue qu’Augustine a déposée sur ton lit, nous recevons le général Pernety, tu t’en souviens ? Je descendrai à la cuisine dans une heure donner mes consignes à Marguerite.

La porte claqua. Sophie, la main toujours serrée sur le coupe-papier, n’avait pas dit un mot, irritée par l’apparition inopportune de sa mère, qui, elle s’en aperçut alors, avait oublié ses boucles d’oreilles sur le manteau de la cheminée. Et la canne de son père, qu’elle n’avait pas remarquée auparavant, pendait, accrochée au dossier de la causeuse. Ses paupières se refermèrent tandis qu’elle inspirait profondément pour ne pas céder à l’agacement qui montait. Quelle intimité pouvait espérer une célibataire de trente et un ans qui vivait encore dans la maison familiale ?

Quand elle rouvrit les yeux, sa décision était prise. Cette lettre, elle la lirait après onze heures, en toute tranquillité pendant que sa mère donnerait ses consignes à la cuisinière et que son père serait en rendez-vous financier. En attendant, ce n’était pas le travail qui manquait, des calculs à vérifier, elle patienterait pour découvrir la réponse venue de Prusse qui allait trancher sur son sort : continuer leur collaboration fructueuse ou…

Mais à peine s’assit-elle face à ses feuillets raturés qu’elle se souvint des notes développées dans les courriers précédents du grand savant prussien. Son écriture étroite et déliée commentait avec précision les démonstrations qu’elle lui avait envoyées et lui présentait l’avancement de ses propres recherches.

Sa respiration se bloqua un instant malgré elle. Un esprit comme celui de monsieur Gauss, l’auteur des formidables Disquisitiones Arithmeticae qu’elle avait étudiées avec passion et obstination, une pensée aussi pénétrante et élégante, elle n’en connaissait pas d’autre. Et Dieu sait qu’elle avait tout fait pour entrer dans les cercles, les salons et les lieux de savoir fréquentés par les hommes de science. Car on ne voulait pas d’elle — une femme ! —, ni à l’école polytechnique, ni à l’Académie où seules les épouses des membres pouvaient assister aux cours.

Elle pinça les lèvres. Ses doigts agacés avaient posé le coupe-papier au milieu des feuillets et le faisaient tourner avec maladresse. Si le chercheur mettait un terme à leur correspondance, comment progresserait-elle seule ? L’échange entre pairs, la discussion et la controverse suscitaient en elle des réflexions inédites et lui dévoilaient des cavernes aux ramifications inconnues dans l’immensité du savoir mathématique, or, à propos de la conjecture de Fermat, personne ne lui titillait les lobes du cerveau avec autant d’efficacité que monsieur Carl Gauss. Avec qui débattrait-elle de ses avancées et de ses nouvelles pistes ? Qui réviserait ses résultats et les passerait au crible ? Les autres en étaient bien incapables. Et surtout, qui referait ses démonstrations pour vérifier qu’il n’y avait pas d’erreurs  ?

Posé sur les feuillets raturés, le coupe-papier tournait en avant puis en arrière entre ses doigts tachés d’encre.

Toutes ses recherches, ses calculs, ses analyses, ses études, ses lectures depuis tant d’années n’auraient servi à rien. Les nuits de son enfance passées à dévorer l’Histoire des mathématiques de Montucla et à résoudre dans le froid les exercices du manuel de Bézout à la lueur d’une chandelle malgré les interdictions paternelles ? Vaines ! Sa petite imposture pour obtenir les cours de l’Académie sous le nom d’un élève démissionnaire, ce cher monsieur Le Blanc, vaine aussi ! Son apprentissage solitaire du latin, indispensable langue de la science, pour découvrir les derniers traités de Newton et d’Euler, vain encore ! Même l’aide de monsieur Legendre, l’académicien qui l’avait introduite dans quelques salons, tout cela aurait été vain.

Une femme, voilà tout ce qu’elle était pour eux, songea-t-elle, les lèvres frémissantes, comme elle l’avait été pour monsieur Lalande. D’un coup sec, sa paume plaqua le coupe-papier virevoltant contre le bois marqueté du scriban. Ce niais de Lalande avec son « cadeau ».

Une boule de chaleur maligne se forma dans son ventre.

Tout fier, il le lui avait offert en mains propres, dans un paquet artistement emballé, orné d’un ruban ponceau du meilleur goût. Comme elle avait attendu ce moment ! Rencontrer un si bel esprit dans ce salon fréquenté par les grands savants de son temps ! Lire son dernier traité ! Elle qui avait dévoré l’Exposition du système du monde de Laplace avait tant de réflexions à partager avec l’astronome. Et ses notes, qu’elle avait pris soin de réécrire au propre et de rassembler en feuillets classés, l’intéresseraient certainement.

Sa crédulité lui tira un sourire triste et les paroles de Lalande lui percèrent à nouveau les oreilles.

— Madame, devant vous, l’astre du jour pâlit et Vénus éclipsée s’efface dans la nuit, avait-il déclamé.

Une logorrhée de mots creux sur sa « beauté radieuse aux étoiles nonpareille », mais pas un sur ses calculs astronomiques. Et ce livre, L’astronomie pour dames , que ne le lui avait-elle renvoyé au visage ? De la vulgarisation pour les « femmes savantes » qui se piquaient de sciences, mais pas pour elle qui avait lu le dernier traité de Newton. Non, merci ! Et tous autour d’elle de s’offusquer de son refus. Hé quoi ! Devait-elle accepter le camouflet dans la joie ? Non, merci ! Devait-elle sourire à celui qui ne la voyait pas comme son égale ? Non, merci !

Un homme savant est un scientifique ; une femme savante, une guenon à qui on apprend à faire des tours. Voilà comment ils la considéraient, songea-t-elle en frémissant d’irritation contenue, Lalande, les académiciens, leurs amis et maintenant Carl Gauss, à n’en pas douter, depuis la dernière missive qu’elle lui avait transmise.

Les pieds du fauteuil crissèrent sur les chevrons du parquet quand elle recula, le sang battant à ses oreilles. Son regard enflammé se posa sur le tiroir où elle avait serré les lettres du savant, lues et relues avec avidité pour vérifier si un calcul ou une remarque lui avait échappé. Le rouge lui monta aux joues : le bouton patiné par l’usage la toisait, et pour la première fois, elle lui trouvait un petit air méprisant. D’un coup de talon vigoureux, elle se redressa, les yeux dardés sur l’excroissance de bois.

Et dire qu’elle avait craint pour la vie de Gauss, à s’en manger les cheveux, songea-t-elle en plissant les paupières. Mais quelle nigaude ! C’était bien la peine de lui avoir envoyé le secours du général Pernety en pleine guerre. Un hoquet douloureux sortit de sa poitrine et elle se détourna d’un bloc, présentant son dos au tiroir.

Sa naïveté lui apparut sous un éclat sombre tandis qu’elle croisait les bras avec lenteur.

Quand elle avait appris l’entrée des armées de Napoléon à Brunswick, la ville où demeurait le savant, et le début du siège, la panique l’avait saisie : et si un fantassin le tuait, lui, le plus bel esprit de son temps, comme ce fut le cas deux mille cinq cents ans plus tôt pour le génial Archimède à Syracuse ? Elle en avait fait des cauchemars. Sa gorge se serra à ce souvenir intact.

Un soldat portant l’uniforme français enfonce la porte du bureau de Carl Gauss et lui ordonne de décliner ses noms et qualités. Au milieu des livres alignés sur les étagères, pas de réponse, aucun autre bruit que le grattement de la plume bien taillée sur le papier, l’homme penché démontre enfin qu’« un cube n’est jamais la somme de deux cubes, une puissance quatrième n’est jamais la somme de deux puissances quatrièmes et plus généralement aucune puissance supérieure à 2 n’est la somme de deux puissances analogues ». La conjecture de Fermat !

En s’approchant, en tordant le cou, Sophie allonge ses yeux sortis de leurs orbites pour observer ses calculs. Quelle limpidité ! Quelle élégance ! Quelle inventivité ! Les pages couvertes de signes et de chiffres volent autour de lui, et il terminera bientôt sa démonstration ; personne ne doit le déranger avant qu’il n’ait posé le point final. Les pupilles serpents de Sophie s’étirent à lui faire mal à l’arrière du crâne, quand, au lieu d’une virgule, une goutte de sang tombe au ralenti sur la feuille, puis la tête de Carl, tranchée, noyant à grands jets la résolution.

Le soldat vociférant est entré dans l’équation.

Son réveil brutal sous  l’oreiller de plumes avait dissipé la démonstration comme à présent ses illusions. Le goût amer de la perte lui râpa la langue.

Monsieur Le Blanc, ce bon et serviable monsieur Le Blanc, elle avait à nouveau utilisé ce nom pour signer ses lettres à Gauss, depuis le début, dissimulant ainsi le ridicule de sa condition de femme passionnée de science.

Tous ses courriers, sauf le dernier.

Car pour sauver le grand esprit, pour lui envoyer ce général ami de la famille en guise de chaperon, pour que le chercheur garde sa tête sur les épaules, elle avait dû — sa respiration se bloqua dans sa poitrine à cette pensée — lui confier son plus intime secret : son nom et son sexe. Mettre en péril une relation épistolaire cruciale, et pour qui   ? Pour un imbécile qui la méprisait certainement comme les autres !

Combien de fois s’était-elle figuré son visage à l’ouverture de la missive ? Les yeux avaient dû lui en tomber des orbites. Son cher correspondant Le Blanc, une femme ? Quelle ignominie ! Lui offrirait-il désormais avec une élégance guindée un ouvrage intitulé La conjecture de Fermat pour les dames ? Ce petit homme savant qui se pensait au-dessus d’elle, incapable de l’accepter à cause de ce détail anatomique sans importance mathématique, ce petit Gauss en qui elle avait cru trouver un alter ego . Et maintenant, sa réponse assurément pleine de morgue et de mépris la narguait jusque chez elle, jusque dans sa bibliothèque, jusque sur son guéridon. Ses narines rosirent et le sentiment de sa valeur monta en elle.

— Je suis une mathématicienne   !

Les mots résonnèrent dans la bibliothèque.

En trois enjambées, elle traversa la pièce et sa main happa le courrier . Ses doigts trituraient le papier grège sans parvenir à ouvrir l’enveloppe. Où avait-elle encore laissé ce sacré coupe-papier ? Ses yeux virevoltèrent et elle aperçut la poignée d’ivoire sur le scriban. Il fallait  en finir.

Le parquet craqua sous sa démarche brusque tandis qu’elle malaxait la lettre au rythme fiévreux de ses pensées. Si le Prussien renonçait à leur correspondance, il n’était qu’un sot, un âne buté brayant, une cruche vide, un chiffre sans valeur qui ne la méritait pas, donc s’il la repoussait, elle ne perdrait rien, rien du tout, mais lui si, parce qu’elle continuerait ses recherches, elle progresserait, elle referait ses calculs, seule, comme elle l’avait toujours fait, contre son père qui lui supprimait ses chandelles, contre les professeurs de l’école polytechnique qui lui interdisaient leurs cours, contre les académiciens qui ne toléraient que leurs épouses et contre tous les autres, parce qu’elle n’avait besoin d’aucun de ces esprits rabougris pour réfléchir, elle avancerait à pas de sept lieues dans la résolution de la conjecture et persévérerait jusqu’à ne plus pouvoir tenir une plume !

Elle agrippa le coupe-papier, le feu aux joues.

De sa paume ouverte roula une boule froissée sur le plateau encombré du scriban. Elle la contempla un instant. La déchirer en quatre et encore en quatre pour former une magnifique suite numérique, voilà ce qu’elle devrait faire, et ne jamais répondre à ce petit homme savant, l’ignorer avec superbe pour lui montrer qu’il ne comptait pas pour elle, moins qu’un entier naturel nul. Non, elle ferait mieux…

— Ton père a oublié sa can…

Sa mère était entrée sans s’annoncer. Sophie planta ses yeux dans les siens et la prit à partie.

— … mieux, mère, je vais lui envoyer…, hoqueta-t-elle la bouche sèche, une riposte corsée. Il en ravalera sa médiocrité. Comme Lalande. Monsieur le-plus-grand-esprit-mathématique-de-son-temps !

Madame Germain, d’abord interdite, s’approcha d’elle avec douceur, et entoura de ses bras les épaules tremblantes d’indignation. Des plaques rougissaient le visage de sa fille dont les yeux étincelaient tandis qu’elle lissait l’enveloppe à grands frottements de paume. Des mots sortirent en désordre de ses lèvres pincées.

— … point par point… mes arguments… une belle démonstration…

Son souffle raccourcissait. Le coupe-papier refusait de se glisser dans le pli de l’enveloppe. Puis, d’un coup victorieux, la trancha.

Sophie brandit la lettre défroissée.

— À nous deux, Carl-le-petit !

«… comment vous décrire mon admiration et mon étonnement en voyant se métamorphoser mon correspondant estimé, monsieur Leblanc, en cet illustre personnage qui donne un exemple aussi brillant de ce que j’aurais peine de croire.

Le goût pour les sciences abstraites en général et surtout pour les mystères des nombres est fort rare : on ne s’en étonne pas ; les charmes enchanteurs de cette sublime science ne se décèlent dans toute leur beauté qu’à ceux qui ont le courage de l’approfondir.

Mais lorsqu’une personne de ce sexe, qui par nos mœurs et par nos préjugés, doit rencontrer infiniment plus d’obstacles et de difficultés que les hommes à se familiariser avec ces recherches épineuses, sait néanmoins franchir ces entraves et pénétrer ce qu’elles ont de plus caché, il faut sans doute qu’elle ait le plus noble courage, des talents tout à fait extraordinaires, le génie supérieur.[1] »

Épilogue

Sophie Germain poursuivit sa correspondance avec Carl Gauss.

En 1816, elle fut la première Française à recevoir le prix de l’Académie des sciences mathématiques pour ses travaux sur les surfaces vibrantes.

Lors de la construction de la tour Eiffel pour l’exposition universelle de 1900, réalisée entre autres grâce aux résultats de ses recherches, on inscrivit sur les flancs de l’édifice les noms des plus grands scientifiques de l’époque. Y figurent notamment Legendre et Lalande. Pas Germain.

 

___

Cette nouvelle adapte très librement un moment de la vie de la mathématicienne Sophie Germain, longtemps effacée de l’histoire des sciences parce que femme.

Pour en savoir plus sur l’une des plus grandes mathématiciennes françaises, on suivra avec fruit les liens ci-dessous :

— Sophie Germain, génie oubliée des maths , France Culture, présentée par la mathématicienne Christine Charretton (vidéo de 4’32), 2021 . https://www.youtube.com/watch?v=3-SBwlUfX_8

— Anne Boyé, Sophie Germain, une mathématicienne face aux préjugés de son temps, Bulletin de l’APMEP, no 523,‎ 2017 , 231-243.

Pour plus d’information, on pourra également se référer à ces ouvrages :

— BOYÉ Anne et CHARRETON Christine, Je suis… Sophie Germain, édition Jacques André, 2017.

— DODELLER  Sylvie, Sophie Germain, la femme cachée des mathématiques, édition de L’école des loisirs (livre pour la jeunesse qui intéressera aussi les adultes), 2020.

— Musielak Dora, Sophie Germain : Revolutionary Mathematician, coll. Springer Biographies, éditions Springer (en anglais), 2020 .

 

© CLAIRE GARAND (claire.garand@laposte.net)
_______________________________________________________________
[1]     Extrait de la lettre originale en français envoyée par Carl Friedrich Gauss à Sophie Germain et datée du 30 avril 1807.

Correction : Amandine DE VANGELI (@adv_correction)


5 réponses à “LES CONJECTURES DE SOPHIE”

  1. Décidément j’aime votre prose. Je suis heureuse d’avoir fait la connaissance de cette Sophie, personnage magnifique.. Merci pour ce beau texte, toute une vie en une scène ! Amicalement Frédérique Trimouille

    • Merci beaucoup, Steve, pour votre message et votre intérêt pour mon écriture, j’en suis très heureuse.
      J’écris en effet un roman, mais je rédige et retravaille avec lenteur donc je ne l’ai pas encore terminé.
      En attendant, vous pouvez lire le précédent :
      Paideia, publié aux éditions La Volte, l’an dernier. Voici un lien si vous voulez voir de quoi il s’agit : https://lavolte.net/paideia/
      Je vous en souhaite bonne lecture !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *