Étienne Paulin est né en 1977 à Angers, il écrit de la poésie depuis presque toujours. Après avoir enseigné pendant quelques années, il est aujourd’hui lecteur-correcteur de manuscrits.
C’est en 2005 qu’il décide de publier dans des revues puis il fait paraître quatre recueils aux éditions Henry dont Voyage de rien qui obtient le prix Thyde Monnier de la Société des gens de lettres en 2012.
Après Là en 2019 chez Gallimard, Étienne Paulin nous propose son dernier recueil Poèmes pour enfants seuls publié dans la collection Blanche de Gallimard.
La poésie est vivante, preuve en est le nouveau recueil d’Étienne Paulin.
Au titre empreint de rêverie et de mélancolie, se prêtent des vers feutrés et délicats sur des pages qui invitent à la quiétude. En explorant l’art du langage et en usant d’une écriture alchimiste, la musicalité, des vers libres d’Étienne Paulin s’envolent et se déposent dans un bruissement puis parfois dans un murmure de sonorité, ensuite, le rythme reprend symphonique et pictural.
parle plus bas plus bas plus bas
comme si tu étais sûr que nul n’arrivera
parle des genêts des ajoncs du velours
et des belles moitiés du jour
Résolument moderne, dans la forme, sa poésie lyrique est libre et artistique et exprime toute l’authenticité des émotions et des sensibilités, fragments subtils et instantanés de mots de l’essentiel. La fluidité des vers est apaisante, une langue soutenue dépourvue de ponctuation.
Le recueil se compose de plusieurs parties « Fin du trésor », « Province », « Terrain d’étourderie », « Ariel » alliant sérénité, enthousiasme et désarroi et dans lesquelles rayonnent la nature, le temps qui passe, l’amour, la vie tout simplement.
Ariel pour l’archange, pour La Tempête, pour le superbe livre de Sylvia Plath, et avant tout parce que c’est le prénom de ma femme, qui m’a réappris à vivre. »
Étienne Paulin tout en sobriété ravive la mémoire de l’enfance, une nostalgie perceptible de page en page.
Au milieu du recueil, vient l’hommage, central, à Philippe Soupault, l’un des précurseurs du surréalisme, paroles émouvantes et vers bucoliques pour donner du sens aux analepses qui vont suivre.
Etienne Paulin offre une poésie raffinée et harmonieuse dans laquelle les mots fredonnent et sensibilisent le monde.
Vous êtes-vous toujours senti poète ?
Je ne sais pas si je me « sens » poète. Ce qui est certain, c’est que j’aime la poésie depuis l’enfance. Je me rappelle avoir posé une question à mon instituteur au sujet d’un poème de Tardieu que nous devions recopier :
Dans le lit il n’y avait rien
Rien non plus sous la Plante Verte
J’avais demandé pourquoi ces majuscules à « Plante Verte ». Il m’avait dit que les poètes faisaient un peu ce qu’ils voulaient. Cette réponse m’avait plu, et j’ai compris plus tard qu’elle m’avait marqué.
Votre poésie est musicale, tout en harmonie, quelles sont vos sources d’inspiration ?
Je vous remercie beaucoup de cette appréciation, car j’y attache une grande importance. En réalité, je n’ai jamais clairement distingué poésie et musique ; ce n’est vraiment pas un hasard si leur origine est commune. Ce qui les différencie est pour moi une affaire de moyens, non de nature. C’est aussi la raison pour laquelle il m’est difficile de « comprendre » un poème ou d’avoir envie de le faire. Lorsqu’une musique nous touche, diton qu’on la comprend ? J’aime au contraire la confusion qui règne quand on ressent une vive émotion. Pour répondre plus précisément à votre question, je citerai une phrase de Poulenc qui est pour moi plus profonde qu’il n’y paraît : « J’écris ce qui me chante. »
Poèmes pour enfants seuls est un titre mélancolique, est-ce le regard d’un homme sur sa vie d’enfant ou le regard de l’enfance sur le monde adulte ?
Je crois que c’est vraiment l’un et l’autre, de manière confuse, mêlée. L’idée paradoxale, aussi, que l’expérience de l’enfance est partageable, que l’on peut se reconnaître dans l’enfance de quelqu’un d’autre, pourtant inconnue ; y trouver des sensations familières, aussi intimes qu’universelles. La poésie rejoint l’enfance lorsqu’elle rend justement présentes des sensations qui sont rationnellement inconcevables. « Je rêve que j’unis mon enfance à la tienne », écrivait Maurice Fombeure. Un titre de James Sacré est merveilleux, sur un autre plan : « Coudre ton enfance à demain ». Bien sûr que cela semble impossible. Et pourtant !
Pourquoi ce choix de poser de courts poèmes sur chaque page ?
Tout simplement parce que j’aime beaucoup les poèmes brefs, la forme ramassée, riche d’écho. Par exemple, je suis extrêmement sensible à l’art des haïkus, à leur incroyable force d’impact et de suggestion. Pour autant, je ne dédaigne pas les poèmes longs ; il y en a d’ailleurs quelques-uns dans ce livre, comme dans mes précédents recueils.
Votre hommage à Philippe Soupault montre votre attrait pour le surréalisme, est-ce que vous qualifieriez votre poésie de surréaliste ?
Non, car l’esthétique surréaliste repose, pour aller vite, sur les associations d’images.
Cependant, j’aime les poètes qui ont participé à ce mouvement – et qui, pour la plupart, s’en sont détachés –, car ce sont d’extraordinaires musiciens. C’est évident pour Aragon, mais aussi pour Éluard ou Soupault. Prenez Sans rancune du premier, Mort sans phrase ou La Bouée du second : quel art du chant ! Ce qui me touche infiniment chez Soupault, c’est une forme de grâce enfantine : les mots les plus simples, rien d’ostentatoire, pas la moindre épate, mais quel naturel et quelle fluidité…
Quels sont vos auteurs inspirants ?
Tous ceux qui me donnent envie d’écrire, et ils sont nombreux ! Parmi ceux que j’ai toujours envie de relire, et si je me limite aux poètes, il y a, en vrac : Louise Labé, Paul Verlaine, Guillaume Apollinaire, Max Jacob, Emily Dickinson, Valery Larbaud, Charles Péguy, Marie Noël, Fernando Pessoa, Jacques Prévert, Marina Tsvétaïéva, Ghérasim Luca, Jules Supervielle, Jean Tortel, Sylvia Plath, Anna Akhmatova, William Carlos Williams, e.e. cummings, Tomas Tranströmer, Louis René des Forêts… Du côté des contemporains, les premiers noms qui me viennent sont ceux de James Sacré, Guy Goffette, Antoine Emaz et Richard Rognet. J’aime aussi les poètes que l’on tient pour mineurs et qui possèdent pourtant une grâce secrète : Maurice Fombeure, Norge ou Claude Roy, par exemple.
N’avez-vous jamais été tenté d’écrire un roman ?
Non, et pourtant le roman est un genre qui m’est cher. Ce que j’aime tant avec le vers, au fond, c’est qu’il m’autorise à ne pas finir mes phrases. C’est une autre façon de raconter qui accueille les lacunes, les incohérences, les grumeaux.
Votre actualité littéraire, Étienne Paulin :
Une lecture de Poèmes pour enfants seuls aura lieu le 27 octobre à L’Ivraisemblable, un café-poème de Douarnenez (ville poétique s’il en est !). Une lecture croisée avec le poète Patrick Dubost est également prévue à la Maison de la poésie (11 bis, rue Ballu, Paris IX) le 28 novembre à 17h30. D’autres suivront, à Paris notamment.
Par ailleurs, j’ai été invité, en compagnie de ma femme, poète également, à participer au Festival international de poésie de Bucarest en 2024. Mon prochain livre de poésie sortira au cours du prochain printemps aux éditions Henry.
Poèmes pour enfants seuls, Étienne Paulin collection 152 pages, 17,50 euros
Date de publication :19 octobre 2023
Gallimard collection Blanche https://www.gallimard.fr/
Photographie Copyright Gallimard
Sophie Carmona
Mail : sophie.carmona@outlook.fr